DS: La persistance des
critiques élogieuses à votre égard, du Parisien aux Inrocks, vous étonne ?
Virginie Ledoyen :
Franchement, c'est plutôt agréable, et je n'aimerais pas entendre le contraire. Mais, en
fait, je ne vois pas les choses comme ça.Chaque film me remet en question. Je me demande
s'il va prendre, et c'est un peu effrayant à chaque fois, même si je n'ai pas les yeux
rivés sur le nombre d'entrées. Mais je n'aime pas qu'on me sorte du film, qui est une
globalité, un travail à plusieurs. Ce sont les réactions au film qui m'intéressent. Je
préfère qu'on apprécie mes choix.
DS:Vous êtes en même temps très attentive à votre image ?
Virginie Ledoyen :
Oui. Pour qu'un film soit vu, il faut l'accompagner, en France et à l'étranger - ce qui
est souvent très intéressant - , et aussi
faire des photos... alors que je déteste ça. Jouer à être soi-même, quelle horreur !
Je me fous d'avoir des cernes et unesale tête si c'est pour un personnage de cinéma.
Mais la photo eststatique, elle ne pardonne pas. Heureusement, aujourd'hui j'ai lechoix
des photographes.
DS:Vos personnages sont souvent des filles " prolos". C'est un hasard ?
Virginie Ledoyen :
Je peux aussi être une grande bourgeoise, comme dans La Cérémonie,de Chabrol! Pour En
plein cur, ce qui compte chez Cécile, ce n'est pas juste qu'elle vienne
d'Aubervilliers, c'est aussi qu'elle vive cette relation amoureuse avec un homme plus
âgé et grand avocat, Gérard Lanvin. Et qu'elle ait des failles, exactement comme une
minette du lycée Montaigne. C'est d'ailleurs le sujet du film, deux mondes qui se
rencontrent, beaucoup plus qu'une histoire de Lolita. Dans ce couple, les relations sont
très égalitaires, même si Cécile ne comprend pas ce qui lui arrive. C'était un rôle
difficile à jouer, et qui fonctionne grâce à Gérard Lanvin, avec qui je me suis
vraiment sentie en harmonie pendant le tournage.
DS:Vous jouez dans des films très
ancrés dans la réalité...
Virginie Ledoyen :
Nous sommes dans une époque très terre à terre. Je ne me sens pas d'affinités avec les
comédiennes très glamour des années 50, Rita Hayworth et d'autres, même si je les
aime. Je préfère faire rêver avec la réalité. Etre Jeanne, confrontée à la
réalité du sida, plutôt que de jouer une icône.
DS:Comment avez-vous choisi, à vos
débuts de tourner avec tel ou telvréalisateur ?
Virginie Ledoyen :
J'ai très vite compris les ficelles, comment fonctionnaient les rapports entre les gens.
Et j'avais beau avoir envie de jouer, j'ai toujours su refuser des projets, même au
début. Des petits et des gros films, rarement des comédies... C'est curieux, on ne m'a
pas proposé beaucoup de comédies, je ne dois pas inspirer le rire. Je n'ai jamais fait
des films pour faire des films. Je vais naturellement vers ce qui me porte, m'émeut. Et
puis, il y a le metteur en scène, avec lequel je me sens des affinités, et les acteurs.
J'ai beau trouver ce métier formidable, je n'ai pas peur de ne pas travailler pendant
plusieurs mois. Au contraire, je suis ravie.
DS:Vous avez une réputation d'intello
autodidacte, toujours plongée dans les livres...
Virginie Ledoyen : C'est
drôle, les réputations. C'est vrai, j'adore lire, depuistoujours, toutes sortes de
choses. Les journaux de cinéma biensûr, mais aussi Le Monde et les magazines féminins,
Elle, DS,Marie-Claire. Beaucoup de littérature: Henry James et Edith Wharton, Virginia
Woolf et Marguerite Duras. Pour une actrice,c'est transportant d'être dans une histoire.
Je viens de finir la biographie de Marguerite Duras par Laure Adler, et Les Particules
élémentaires, le roman de Houellebecq. J'aime l'écriture, la langue française, et
j'apprends davantage sur l'histoire d'un pays dans un livre de James que dans des manuels
qui m'ont toujours ennuyée. Mais de là à me faire une réputation d'intello... Comme si
c'était extraordinaire de lire ! Quant à l'autodidacte, ça m'énerve un peu. Ce n'est
pas parce que je n'ai pas mon bac que je suis une autodidacte. Et puis je ne lis pas tout
le temps. Je vois mes amis, mon fiancé, nous voyageons, surtout dans des villes, à New
York, que j'adore, ou en Italie. Je vais au resto, je fais la cuisine... Rien
d'extraordinaire. je ne peins pas, je n'écris pas. Je fais simplement du cinéma et,
quand je n'en fais pas, je vis. |